Fascinée par les mythes et les légendes, elle se nourrit d’histoires ancestrales et de souvenirs d’enfance. Anne Tostivint utilise le dessin pour apprivoiser ses peurs qu’elle transforme en mobile sur papier découpé. A l’aide du crayon, du crayon de couleur, de l’encre de chine, du pastel, de la suie, de l’aquarelle ou encore du stylo bille, elle fabrique des pantins et d’autres poupées fétiches aux corps hybrides. Ces créatures à l’étrangeté tangible font se télescoper l’humain, l’animal, le sauvage et le végétal. Aussi loufoques qu’inquiétantes, entre féerie et cauchemar, ces représentations symboliques sont de pures fantasmagories en période de métamorphose. Les figures jouent dans l’espace avec les oxymores de l’équilibre et du déséquilibre, oscillant de l’allégresse à la tristesse, de l’apparition à la disparition, de la fixité au mouvement, jusqu’au vertige de la légèreté et de la pesanteur. Habiter un territoire ou le déplacement s’exprime de façon circulaire. « C’est la prédominance de l’intuition, de la pulsion avant le raisonnement. Ce sont les tourbillons de l’ivresse, mais aussi le chien qui se mord la queue, le va-et-vient du crochet, des aiguilles à tricoter. Les derviches tourneurs et leur danse thérapeutique. » La parade explore l’inconscient et l’illusion en liant l’expérience hallucinatoire. Les troubles optiques se mêlent aux astuces d’échelle. Cette désorientation sensorielle provoque un sentiment heureux, une invitation enchantée à apprivoiser le spectacle. Dans cette atemporalité inédite et singulière, un monde se fabrique où le temps semble suspendu. Les lignes agitées, les failles des corps et les autres rafales esthétiques se décryptent comme une évocation du caractère transitoire de la vie. La finitude occupe une place importante dans les travaux de l’artiste avec toujours une tonalité amusée et joyeuse. « J’utilise le rire pour lutter contre les angoisses de la mort et mieux affronter ces images qui me traversent. J’ai été confronté a des deuils douloureux. J’ai aussi frôlé la fin. Ce fut alors, l’ouverture d’un espace intime, une expérience singulière qui m’a bouleversée, m’a ramenée à l’essentiel. Un dépouillement, puis une renaissance. » La spiritualité s’imprime également à travers les articulations concentriques des créatures qui s’apparentent à des mandalas, motivant l’évocation d’une humanité bienveillante dans les rouages de la vie. Les vibrations du motif mutent en hyper sensations et ouvrent vers des hors-champs perceptifs plus impénétrables. « La création permet de nous retrouver dans des états d’esprit altérés, ou l’on peut accéder à d’autres mondes (…) C’est une approche par laquelle je renforce mon lien avec la nature qui, il est vrai, a le pouvoir de me guérir. » Ces êtres singuliers à la curieuse allure venue d’ailleurs, d’une dimension parallèle, chahutent l’imaginaire collectif, suscitant l’étrange et l’humour noir. Anne Tostivint est une faiseuse de chimères d’une nouvelle ère où le merveilleux se réinvente.
Canoline Critiks.